La droite et le monde des bisounours
Après avoir prôné la généralisation du CNE par le biais du contrat unique, Nicolas Sarkozy est revenu il y a quelques jours sur cette proposition, dans un silence médiatique quasi-complet (il va sans dire que si Ségolène Royal avait fait ce genre de revirement ça aurait immédiatement été interprété comme une bourde, une inconstance, voire même comme du populisme – y a pas de rapport ? le défoulement des médias n’en a pas besoin). Bref, au-delà de ce retour en arrière, figure toujours la proposition de contrat de travail unique dont on ne connaît pas exactement la teneur mais qui, vu la passion de Sarko pour la « progressivité des droits », ne peut qu’inquiéter. Par « progressivité des droits », traduire : plus vous restez longtemps dans l’entreprise, plus vos droits progressent, donc plus celle-ci a tendance à vouloir se séparer de vous rapidement (puisque l’objectif est de pouvoir licencier plus facilement, avec les droits progressifs licencier plus facilement c’est licencier plus rapidement, c’est logique).
Sous couvert de vouloir s’inspirer du modèle danois, Sarko comme à son habitude, n’a donc choisi de ne garder dans la « flexi-sécurité » que le volet « flexibilité ». Dans le même temps (faut-il y voir une coïncidence ? sans doute que non), Laurence Parisot du Medef nous propose, sans rire, d’instaurer le principe de « séparabilité ». C’est, selon ses dires, une réforme fondée sur le même principe que le divorce à l’amiable, on supprimerait la logique de la faute. Il est vrai que patrons et salariés sont placés sur un même pied d’égalité…
Mais ça a au moins le mérite de faire travailler notre imagination sur le monde du travail. Côté employeur : « - Je souhaiterais me séparer de vous et je vous propose pour cela une indemnité équivalente à 3 mois de salaires, seriez-vous d’accord ? » Ou du côté du salarié : « - J’aimerais bien quitter l’entreprise pour chercher un autre emploi sur un marché du travail extrêmement porteur en ce moment (mais si, mais si…), pourrions nous envisager une séparation à l’amiable ? » Ou encore, si l’on reprend l’idée de « travailler plus pour gagner plus » : « - J’ai un peu de mal à finir mes fins de mois en ce moment, je souhaiterais faire 20h supplémentaires ce mois-ci. - Mais bien sûr, certes notre carnet de commandes est loin d’être rempli mais on trouvera bien quelque chose à vous faire faire… »
La droite a un inquiétant problème, qui heureusement pour elle passe inaperçu : elle confond le monde du travail et celui des bisounours, où tout le monde il est gentil, tout le monde il est beau, où l’entreprise vous paye des heures supplémentaires même si elle n’en a pas besoin, juste parce que vous le valez bien et parce que vous voulez en faire, et même que c’est magique. Loin de s’arrêter là, elle reproche à la gauche de ne pas connaître le monde de l’entreprise, de penser fort naïvement qu’il ne suffit pas de lever le doigt pour choisir ses conditions de travail ou le nombre d’heures travaillées, de penser qu’augmenter les heures travaillées c’est aussi fermer la porte du monde du travail à un grand nombre de chômeurs, alors que le problème du pouvoir d’achat se situe ailleurs.
Mais ce n’est sûrement pas ni un journaliste ni un citoyen « panélisé » pour les besoins de TF1 qui feront remarquer la décalage entre l’entreprise telle qu’elle est vue par la droite et celle vécue par les travailleurs. Bien partie cette campagne...