La gauche du renoncement est en marche
Puisque l’heure était dernièrement aux déclarations, contre-déclarations, réactions, réponses etc… à la participation possible de Jack Lang à une commission sur la rénovation des institutions (et puisque le moment est également propice aux discours renouvellementesques qui relèvent souvent plus de jeunisme qu’autre chose), observons ce que nous a dit le week-end dernier Manuel Valls, archétype de cette gauche qui érige le renoncement en modèle, la résignation en mode de vie et le suivisme électoral comme boussole quasi-intangible (à ce sujet j’avais écris ce post il y a quelque temps). Pas besoin d’avoir plus de soixante ans pour faire partie de l’ancienne génération, celle qui a mes yeux semble avoir renoncé définitivement à changer les choses en profondeur. Bref, revenons-en à ce que nous dit notre cher député que j’adore :
"Jack Lang a été d'une loyauté exemplaire ces derniers mois. Il réfléchit par ailleurs beaucoup depuis longtemps sur la question des institutions" (…). La loi fondamentale, la Constitution, ce qui fait fonctionner une démocratie, ça devrait dépasser tous les clivages politiques. (…) Je me réjouis que Nicolas Sarkozy mette en place cette commission au début (de son) mandat. (…) Que cette commission travaille. J'espère qu'elle sera audacieuse (...) et ensuite l'Assemblée nationale et le Sénat devront changer la Constitution".
Effectivement, Jack Lang réfléchit beaucoup sur les institutions. Il y a même tellement réfléchi qu’il en est devenu le seul à défendre une présidentialisation accrue du régime. Et Arnaud Montebourg par exemple, s’il faut citer des noms de personnes qui ont beaucoup réfléchi à la question ? Ah non ça compte pas, ça rentre pas dans les petits plans à Sarko sur la mise en place d’un régime primo-ministériel avec des pouvoirs parlementaires réellement accrus. Mais au delà de ça, puisque tu soulignes cher Manuel que cette réforme devrait transcender les clivages politiques, pourquoi Sarkozy n’a pas demandé au PS de désigner un représentant ? Pourquoi devrions-nous lui laisser le soin de désigner lui-même les personnes qui sont d’accord avec lui en prétendant qu’il s’agit d’ouverture ? Pourquoi cette discussion et l’organisation de cette commission n’ont elle pas lieu dans le cadre de l’Assemblée Nationale, lieu pourtant le plus propice à de tels débats ?
Oui, il était temps de rappeler un certain nombre de choses. Que ce n’est pas parce qu’une commission soi-disant « ouverte » se met en place qu’elle ne doit pas faire l’objet de critiques de notre part quant au leurre qu’elle représente. C’est justement parce qu’un tel débat est important qu’il était nécessaire de rappeler que l’ensemble des partis auraient dus être consultés et pouvoir choisir leurs représentants, dans ce souci justement de dépasser les clivages politiques, qu’il était important de souligner que de tels débats ne peuvent avoir lieu sur un coin de table, mais bel et bien au grand jour sur les bancs de l’Assemblée Nationale. Et quand Jack Lang évoque l’idée de participer à cette commission sans même émettre la moindre réserve quant à son fonctionnement, eh bien oui cela est réellement problématique pour la famille socialiste.
Et face à tout cela que trouve à dire Manuel Valls ? Qu’il est content que cette commission soit mise en place, qu’on fait un mauvais procès à Jack Lang, et qu’on est sectaires ! Mais c’est hallucinant tout ça, on a plus le droit d’émettre des critiques tout à fait légitimes sans recevoir des coups de notre propre camp ? C’est ça la « modernité », le « dépoussiérage » ? Super… Et allons même plus loin : j’entends beaucoup Valls nous donner des leçons de critique constructive, nous dire de ne pas diaboliser Sarkozy, selon lui ce serait la voie à suivre pour s’opposer efficacement. Certes. Mais a-t-on entendu depuis 1 mois ne serait-ce qu’UNE seule critique de sa part envers la politique gouvernementale ? Pas moi, en tous cas. C’est sans doute ça, la nouvelle opposition : dire tout le bien qu’on pense de la politique de Sarko sous prétexte de ne pas le diaboliser, parce que sinon on est sectaires. Ce qui est bien en tenant ce discours, c’est qu’on renforce l’idée que nous le sommes réellement à la moindre réaction négative de notre part. Que la droite nous nie le droit de nous opposer à sa politique, c’est de bonne guerre, mais que ce soit des socialistes qui prétendent être les fers de lance de la rénovation, c’est tout simplement écoeurant.
Après l’instauration de la loi de l’offre et de la demande en politique, Manuel Valls invente la gauche béni-oui-oui, qui s’oppose pas trop parce que ça fait pas classe, et qui propose des trucs un peu de gauche un peu de droite parce que ça plaît au gens. Avec ça, on est bien avancés.
Edit : Olivier Duhamel parle aujourd’hui de sectarisme à l’égard du PS, au nom du dépassement des clivages politiques. Encore une fois, en choisissant Jack Lang ou Olivier Duhamel, Sarkozy ne fait pas preuve d’ouverture, il prend simplement des personnes estampillées (le mot convient bien je trouve) « de gauche » et qui sont presque les seules à être en accord avec sa conception des institutions. Facile non ? Habile, en tous cas.