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Le blog de Thibault, militant socialiste
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21 mai 2007

Pas facile la rénofondation

Difficile de sortir des vieux clivages. Les débats tournent beaucoup au sein du PS en ce moment autour de la nécessité de ne pas céder à la tentation du "plus à gauche que moi tu meurs" et de la social-démocratie à tout va. Ok jusque là pas de problème, je suis d'accord. Mais j'avoue avoir un peu de mal à comprendre également les arguments de certains qui s'opposent à cette vision manichéenne des choses. J'ai lu en effet des propos (sur le blog de Rénover Maintenant, mais la source a peu d'importance, ces arguments sont repris un peu partout, d'autant plus que je n'ai aucune animosité particulière envers les camarades de RM), nous disant : "En réalité, le Parti est profondément divisé entre les " sociaux démocrates" et les tenants d'une gauche pure et dure ( dans les discours tout au moins ), favorables à un concept d'union de la gauche avec des partis qui ne représentent plus un électorat suffisant pour être crédibles. La nostalgie des vieux mitterrandiens n'étant pas productive, il convient de refonder ce parti même au prix ( si on ne peut l'éviter) d'une scission génératrice d'espoir pour une gauche recomposée dans son ensemble. Orienter une mutation vers une parti nommé " Désir d'avenir socialiste " recherchant une 3ème voie entre une gauche idéologique et le " blairisme " qui au fond n'est qu'un sarkozisme mou. Constatant que notre "gauche idéologique" est incapable de tenir ses engagements quand elle est au pouvoir, confrontée aux réalités économiques, il faut en tirer des conclusions".

D'abord, je ne parviens pas à comprendre qu'on puisse prôner de "refonder le parti même au prix d'une scission", surtout quand on voit l'état dans lequel est la gauche aujourd'hui. Nous n'avons pas besoin d'une division de plus, bien au contraire, et je trouve cela inquiétant quant à nos capacités de rassemblement, quand la scission est posée d'ores et déjà comme une possibilité acceptable (certes en dernier recours, mais quand meme), d'autant plus que cela ne vise principalement que Fabius, qui je pense (et je l'espère) ne tardera plus à ne représenter que lui-même et quelques fidèles inféodés. Que l'on refuse l'union de la gauche telle qu'elle était conçue du temps de Mitterrand, je suis à 100 % d'accord. Je ne pense pas qu'il faille parler d'"union", mais de refondation de la gauche. Qu'est ce que l'union de la gauche version années 80-90 ? On s'alllie de temps en temps, on négocie des places et le reste du temps on se tape dessus. Il n'est plus possible de fonctionner comme cela. Parce que nous devons construire une gauche forte, le rassemblement au sein d'un même parti de la gauche de gouvernement est un préalable nécessaire (mais non suffisant). Et ce n'est pas parce que les verts et les communistes ont fait respectivement 1,5 et 2% qu'ils en perdent pour autant leur capacité d'existence et de nuisance, bien au contraire. Car avec des scores tels que celui-là, si nous n'allons pas vers eux, la tentation va être grande de se distancier d'un parti socialiste vers qui le vote utile a joué à plein et de jouer les éternels trublions. A nous de tendre la main, de discuter avec nos partenaires naturels (car il n'y en a pas d'autres, qu'on le veuille ou non), qui partagent avec nous un grand nombre de valeurs, et ce n'est que comme ça que l'on pourra reconstruire, ou plutôt construire, une grande gauche qui ne passe pas son temps à construire un score électoral sur le dos de ses autres partenaires.

Alors certes le rassemblement de toute la gauche de gouvernement ne suffira pas, tant le poids de nos alliés s'est amenuisé. Mais c'est un préalable absolument indispensable si nous ne voulons pas revivre les éternels déchirements électoraux, les interminables négociations et discussions qui accompagnent les accords, aboutis ou non. Il nous appartient au contraire de tenter de construire une dynamique à gauche, qui ne pourra se lancer avec le rejet de nos partenaires qui n'auront d'autre choix ensuite que de se radicaliser. Et nous n'aurons rien à gagner à partir à l'aventure en solitaire, au prix dramatiquement élevé d'une scission. Non, le rassemblement de la gauche n'est pas une nostalgie, c'est une nécessité, mais une nécessité qui j'en conviens ne suffira malheureusement pas. Mais je trouve en tous cas hallucinant que ceux qui prônent à juste titre une rénovation et une refondation de la gauche nous disent également qu'une scission est quelque chose de possible, parce qu'à ce rythme là nous allons droit dans le mur. Voilà pour le premier point.

Deuxième remarque, concernant le passage sur la gauche idéologique. Sur le nouveau parti nommé "Désir d'avenir socialiste", j'ai rien compris, j'espère que ce n'est pas sérieux, franchement ça veut rien dire. Sur la "gauche idéologique" incapable de tenir ses engagements, j'ai du mal aussi à saisir. De quoi parle-t-on ? Les engagements ayant été tenus en 97, il me semble aussi globalement en 88, je crois comprendre qu'on revient en 1981, quand effectivement certains prônaient quelques mois avant la fin du capitalisme en 100 jours. Mais ça date de quand tout ça ? En gros on nous dit qu'il faut arrêter de prendre les références dans le passé, tout en se référant à une période datant d'il y a 25 ans, seul moment dans l'histoire où cette remarque prend un sens. Ca veut dire quoi la "gauche idéologique", à part un concept mou qui, s'il n'est rattaché à aucun exemple précis, n'a pour but que de dénoncer dans le vide et d'énoncer des vérités creuses destinées à clore rapidement un débat. Et putain (oui je suis un peu énervé) c'est exactement le genre de remarques qu'on nous balançait à la gueule quand nous tentions depuis 2002 d'apporter de nouvelles réponses à l'évolution du capitalisme actuel, à la montée des inégalités, à la crise sociale et démocratique, et à l'immobilisme du PS : "vous êtes archaïques, dogmatiques" etc... sans même avoir lu une seule de nos propositions. Finalement c'est peut être ça la gauche idéologique : considérer qu'une proposition est archaïque dès lors qu'elle est un peu ambitieuse, sans même chercher à démontrer en quoi elle n'est pas réalisable. Franchement si la rénovation de la gauche c'est ce genre de bon sens paysan, très peu pour moi.

Et puisque l'article parle ensuite de ne pas "nier les réalités économiques que nous devons regarder en face pour en réguler les effets", encore une phrase qu'on entend souvent, je dirai simplement que personne aujourd'hui au PS ne nie les réalités économiques (ou alors encore une fois il faut me le démontrer, personne ne propose de renationalisations massives, de socialisation des moyens de production, d'abolition de capitalisme et de l'économie de marché), simplement tous n'apportent pas les mêmes réponses. Et quand on parle de "réguler les effets" de la réalité économique, c'est qu'on s'avoue impuissant à changer celles-ci. C'est malheureusement la première marche du renoncement. Etre réalistes, c'est se dire qu'effectivement le monde a changé, que oui nos réponses doivent être différentes, mais que, justement, parce que le capitalisme n'est plus le même qu'il y a 20 ans, nos réponses se devront d'être encore plus ambitieuses pour faire face aux dégâts qu'il provoque. Etre réalistes, c'est être conscients que nos idées et nos valeurs ne pourront s'épanouir avec les réalités économiques actuelles et qu'une simple régulation ne suffira pas. Etre réalistes, c'est dire et assumer que notre ambition n'est pas d'avoir seulement un programme pour les 5 ou 10 prochaines années, même s'il en faudra un, mais que notre horizon est bien plus large, car remédier aux dégats du libéralisme, dans les faits et dans les consciences, ne se fera ni en 100 jours ni en 5 ans.

La refondation de la gauche risque finalement de consister en des phrases toutes faites auxquelles n'échappent pas ceux qui les dénoncent (et comme ça m'arrive aussi je m'inclus dans le lot :-). Et quand on parle en plus de leader naturel à tout bout de champ, sans poser au préalable réellement la question du débat collectif que nous devrons avoir quant aux causes de notre défaite, ça a le don de m'énerver encore plus. Et tiens, je le dis ici, je n'ai absolument aucun a priori négatif sur le fait que Ségolène Royal soit la candidate des socialistes en 2012 (je dirais même plus, comme j'ai tendance à penser que le choix se fera entre Royal et DSK, le mien sera rapide). Mais ce n'est ni le moment ni la bonne démarche à adopter. Pour moi la question du leadership ne peut en aucun cas être posée avant d'avoir analysé les raisons de notre échec et tracé des perspectives d'avenir pour la gauche. Je crois à la discussion collective qui trouve son aboutissement dans la désignation d'un candidat (qui devra se faire il est vrai bien plus tôt que la précédente), et non l'inverse.

Au final je suis un peu déçu par ce que j'ai pu lire. Parce que je croyais - et allez, je continue à le croire un peu - qu'entre Fabius et DSK il y avait de l'espace pour construire quelque chose de fort, de nouveau, qui aborde les débats sans idées préconçues et simplistes du type "faut s'adapter aux réalités économiques, faut faire notre mue à l'image des autres partis européens, tout ça", sans être non plus un fan club de Ségolène Royal, pour ne pas la citer. Car quand dès qu'il y a un semblant de début d'analyse on tombe au bout de deux paragraphes sur "DSK bla bla bla le plus à même, le meilleur bla bla" ou "Ségolène Royal, bla bla légitimité bla bla leader naturel", on sent bien qu'au delà de la volonté affichée par les uns et les autres de lancer un débat collectif et une refondation de la gauche, c'est bien une course infernale qui est lancée entre ces deux-là. J'ai de plus en plus l'impression que le débat d'idées risque s'être sacrifié sur l'autel des écuries, et l'écurie Royal n'a peut être pas grand chose à envier aux autres, si ce n'est que c'est elle - et il faut le reconnaître - qui a eu le mérite de faire bouger les choses en interne du PS sur le plan du renouvellement politique. Bref je suis un peu désabusé... mais ça passera, j'espère.

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